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La confrérie des 10001 pages
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25 janvier 2010

La guerre est déclarée entre Claude Lanzmann et Yannick Haenel

Jan_KarskiLe dernier livre de Yannick Haenel, Jan Karski, sorti en août dernier, est en train de connaître une polémique qui va croissante.

Ce livre (sur lequel une critique prochaine est consultable sur le site de la Confrérie) est consacré au résistant et espion polonais Jan Karski qui s'est illustré en alertant les Alliés sur le sort fait aux Juifs pendant la seconde guerre mondiale. Son combat courageux n'aura, hélas, aucune conséquence sur le génocide.

Sur ce sujet terrible, l'auteur dénonce le silence coupable des Américains et des Anglais. Cette dénonciation n'est pas nouvelle. Par contre, ce qui l'est est la manière dont Haenel échafaude sa thèse : son livre part du témoignage de Jan Karski dans le film de Claude Lanzmann Shoah. Dans un deuxième chapitre, l'auteur traite à la troisième personne de la vie de Karski jusqu'à son arrivée aux Etats-Unis. Puis, dans une troisième partie, Haenel choisit de faire parler Karski à la première personne.

C'est ce dernier chapitre qui a fait hurler des historiens mais également Claude Lanzmann. Ce dernier reproche à Haenel sa liberté avec la vie de Jan Karski, des approximations, des "oublis" (sur l'antisémitisme des Polonais durant la seconde guerre mondiale par exemple) et des erreurs (l'attitude de Roosevelt, décrit comme un homme dédaigneux dans le livre de Haenel ce qui semblerait être un raccourci). Plus généralement, Lanzmann s'est souvent illustré par son désir de défendre la mémoire des victimes du génocide juif, en dénonçant des oeuvres beaucoup moins polémiques (le livre Les Bienveillantes ou bien le film La Liste de Schindler) mais qui, à son sens, ne respectait pas ce que certains nomment "le devoir de mémoire" (un terme devenu une vraie "tarte à la crème" ; mais ceci est un autre sujet...).   

En réponse à ces attaques, Yannick Haenel a récemment répliqué que les attaques de Claude Lanzmann étaient injustifiées, qu'elles allaient à l'encontre de la liberté d'expression et que ses critiques participaient d'un coup médiatique (diffusion actuelle de Shoah sur Arte et sortie prochaine d'un documentaire par Lanzmann sur... Jan Karski). Le jeune auteur considère également qu'il a le soutien des proches de Jan Karski (aujourd'hui disparu).

Le scandale ne fait sans doute que commencer.

En écho à cette affaire (assez pathétique pour tout dire !), on est en droit de se poser cette question : peut-on raisonnablement penser que la Shoah est un sujet particulier qui ne doit pas être traité comme n'importe quel sujet ? La question est ouverte.

Pour en savoir plus :

http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/01/25/polemique-autour-de-jan-karski_1296377_3260.html

ou

http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/01/21/lanzmann-contre-attaque-sur-karski_1294712_3260.html

 

Bruno

 

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Commentaires
B
Merci, Vero, pour la qualité de ce commentaire, très documenté. A bientôt.
V
Et si on en revenait à des réalités plus prosaïques dans le cas de Lanzmann : jalousies, querelles d’ego et gêne d’avoir été démasqué dans son tronquage indécent du témoignage de Karski . Karski, dès 1985, avait exprimé ses réserves sur le caractère injuste envers la Pologne et les Polonais de "Shoah" dans son article "Shoah, une vision biaisée de l’Holocauste", s’y plaignant de la coupure de ses propos sur l’information des Alliés, sur les actions de la Résistance polonaise et l’aide apportée aux Juifs par des Polonais. Lanzmann a ainsi puissamment contribué à forger des stereotypes - qu’il est si important au contraire de combattre - et à nourrir les ressentiments. Sans Haenel, Lanzmann aurait enterré à jamais ces bandes supplémentaires de témoignage de Karski. Il lui est facile maintenant d’insulter Haenel tout en préparant à nouveau un montage expurgé de tout ce qui pourrait le contredire. Il n’y a aucun doute qu’il a trompé Karski, lui écrivant que son film serait en grande partie consacré à la question de l’aide aux Juifs. Pire, il a empêché Karski de témoigner pendant 7 ans devant toute caméra en le liant par un contrat d’exclusivité odieux quand on pense au caractère dramatique du sujet et à l’intérêt de grands médias dès la fin des années 70 de voir et d’entendre aussi Karski. Quant à la séquence romancée par Haenel de l’entretien avec Roosevelt de 1943 : Pourquoi tenir rancune à Haenel d’avoir ainsi allégoriquement éclairé les déchirements moraux réels de Karski. Celui-ci ne pouvait se plaindre de l’Allié américain dans son livre publié en 1944 sur le sol américain. Relisons donc Karski, celui de 1944 (son "témoignage" inouï est sous peu republié par R. Laffont). Mais écoutons aussi l’autre Karski, plus mûr, dénoncer la surdité et -oui- une forme de complicité du monde libre dans la disparition des Juifs d’Europe. Ecoutons-le commenter ainsi "Shoah" : « M. Lanzmann n’a pu insérer la partie à mon sens la plus importante de l’interview, qui se rapporte à la mission que j’ai effectuée à la fin de 1942. D’autres personnes parlent des souffrances des juifs pendant plus de sept heures. Beaucoup le font mieux que moi. Pour ma part, l’essentiel de mon intervention n’était pas là mais dans le fait que j’avais réussi à passer à l’Ouest et à rendre compte à 4 membres du cabinet britannique, dont Anthony Eden, au président Roosevelt et à 3 membres importants de son gouvernement, au délégué apostolique à Washington, aux dirigeants juifs américains, à d’éminents écrivains et à des commentateurs politiques, de la détresse des juifs et de leurs demandes pressantes de secours. Cela prouve que les gouvernements alliés qui seuls avaient les moyens de venir en aide aux juifs les ont abandonnés à leur sort. En dehors de moi, personne ne pouvait le dire. L’insertion de ce témoignage ainsi que l’évocation, si sommaire fût-elle, de ceux qui tentèrent d’aider les juifs aurait placé l’Holocauste dans une perspective historique plus appropriée. Shoah par son auto-limitation appelle un autre film, aussi puissant et aussi vrai, qui montrerait cet aspect oublié de l’Histoire".
D
Ayayay! De l'action, chouette! <br /> <br /> Il se trouve que Lanzmann donnera une conférence à Fribourg au début mars; ça va me motiver... <br /> <br /> Sur son point de vue sur le génocide juif (le terme de "shoah" n'est pas innocent), on lira avec profit l'ouvrage "Pourquoi Hitler" de Ron Rosenzweig...
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